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Nouvel an chinois….

 

Hate Men Gate, Beijing (19ème)

 

UN VOYAGE À PEKING (extrait), pendant les années 1794 et 1795, par Chrétien-Louis-Joseph de GUIGNES (1759-1845)
Imprimerie Impériale, Paris, 1808. Tome I, pages 253-439 ; tome II, pages 1-476 ; tome III, pages 1-135. 90 illustrations.

 


 

Les Chinois ne connaissent point de jour de repos, ils travaillent sans cesse. L’usage, en Asie, veut que les hommes s’occupent sans relâche, mais ils ne le font pas avec la même activité et la même force que les Européens. Ce travail continuel demandait quelque repos ; il a donc fallu trouver un moyen de délassement qui attirât l’attention du peuple, et suspendit ses travaux ; c’est dans cette vue que les fêtes ont été instituées.

Une des principales, chez les Chinois, est celle de la nouvelle année ; et comme à cette époque ils dépensent beaucoup d’argent, ils saisissent toutes les occasions de s’en procurer, ou se présentent chez leurs débiteurs, pour recouvrer celui qu’ils ont prêté. Toutes les affaires cessent pendant les trois premiers jours de la nouvelle année ; on passe ce temps en visites, on se fait des présents, on s’habille de son mieux ; enfin, il n’est personne qui n’achète au moins des souliers neufs.

 

Le premier jour de l’an les Chinois commencent dès minuit à tirer des pétards : il s’en consomme un nombre si prodigieux, que j’ai vu des rues tellement jonchées de morceaux de pétards déchirés qu’il était impossible d’apercevoir le pavé. Ce jour est employé à visiter les parents et les amis ; et lorsqu’on en rencontre quelques-uns, ou des personnes de connaissance, on les salue profondément en les félicitant à plusieurs reprises. Pendant ces premiers jours, toutes les portes sont fermées ; on colle à l’entour des papiers rouges, et l’on en suspend d’autres découpés ou chargés des nombres 1, 2, 5. Les mariniers mettent également des papiers rouges à la poupe et à la proue des bateaux pour attirer le bonheur. On allume aussi à cette époque des lanternes ; mais ce n’est qu’au 15e de la lune qu’on célèbre la fameuse fête des lanternes : elle commence quelquefois le 13 au soir, et finit le 16 et même le 17 à la nuit. A cette époque, plusieurs quartiers forment entre eux une association pour illuminer certains endroits : on suspend une quantité considérable de lanternes aux portes des maisons et dans le milieu de la rue ; mais, dans ce dernier cas, on tend des bannes pour les mettre à l’abri de la pluie, car plusieurs de ces lanternes coûtent fort cher.

Chez les mandarins et les gens riches, ces jours sont employés en festins ; on joue la comédie, on tire des feux d’artifice. Ces feux, qui diffèrent entièrement des nôtres, sont renfermés dans des espèces de tambours, d’où il se détache peu à peu des lanternes, des vases de fleurs qui se déploient en tombant, et paraissent illuminés ; quelquefois ce sont de petits bateaux armés de pétards et qui se canonnent entre eux ; d’autrefois ce sont des espèces de treilles chargées de feuilles et de raisins : ces feux d’artifice sont très agréables, mais ils n’ont rien d’imposant.

 

Lantern festival procession,  Nanjing , Jiangsu,  1917 

Les Chinois ne peuvent expliquer l’origine de la fête des lanternes, et ils en rapportent différentes causes.

La première est la mort de la fille d’un mandarin : cette jeune personne, disent-ils, étant tombée dans l’eau et s’étant noyée, son père et le peuple, qui regrettaient beaucoup sa perte, la cherchèrent inutilement pendant longtemps avec des lanternes.

La seconde, c’est qu’un empereur s’ennuyant jadis d’être distrait dans ses plaisirs, par l’alternative continuelle du jour et de la nuit, ordonna, d’après le conseil d’une de ses femmes, de construire un palais entièrement inaccessible aux rayons du soleil, en fit éclairer l’intérieur par une grande quantité de lumières, et s’y tint ensuite renfermé. On ajoute que le peuple s’étant révolté, l’empereur fut chassé, et le palais détruit ; et que, pour conserver la mémoire de cet événement, on alluma tous les ans des lanternes à la même époque.

D’autres auteurs, sans donner une origine extraordinaire à cette fête, rapportent simplement que sous l’empereur Jouy-tsong des Tang, 712 ans après J. C., ce prince permit d’allumer un grand nombre de lanternes durant la nuit du 15 de la première lune. Dans la suite, l’empereur In-ty en 950 de J. C., fit durer cette fête jusqu’au 18 ; mais après ce prince elle fut réduite à trois jours, et cessa le 17.

Les Chinois célèbrent au printemps une fête en l’honneur de l’agriculture ; ils promènent alors une vache faite de terre, accompagnée de plusieurs enfants habillés en laboureurs, et portés sur des tables ; ce cortège est suivi et entouré de musiciens.

 

Fête d’automne

Ils en ont aussi une autre dans l’automne, pendant laquelle ils portent des lanternes, des transparents et d’énormes poissons de papier. Quatre hommes soutiennent une table garnie de fruits, sur laquelle une jeune fille se tient debout sur une branche d’arbre, ayant à côté d’elle une autre petite fille, et en avant un jeune enfant habillé en vieillard. La marche est ouverte par des musiciens et par des gens qui tirent des pétards toutes les fois qu’on s’arrête. Les habitants devant lesquels passe cette espèce de procession, dressent des tables garnies de fruits, de bétel et de tabac, et en offrent à tous ceux qui composent le cortège.

Une fête très agréable est celle que l’on fait au cinquième jour de la cinquième lune. Un mandarin, dit-on, recommandable par ses qualités et fort aimé, s’étant noyé jadis, les habitants montèrent dans des bateaux et le cherchèrent pendant longtemps : c’est à cet événement qu’on rapporte l’origine de cette fête, appelée Ta-long-tchouen.

 

Fête d’automne

On se sert dans cette occasion de bateaux longs et étroits, qui sont peints, ornés de figures de dragons et de banderoles, et contiennent jusqu’à soixante rameurs et plus. Ceux-ci manœuvrent au son d’un tambour et d’un bassin de cuivre, sur lesquels on frappe avec plus ou moins de précipitation, selon qu’il est nécessaire d’accélérer ou de ralentir la marche, car souvent ils se défient entre eux. Dans ces circonstances, ils vont avec une grande rapidité, cherchent à se dépasser, et se heurtent, s’abordent ou chavirent même ; de sorte que plus d’une fois on en a vu plusieurs se noyer : aussi les mandarins, pour prévenir de semblables accidents, ne permettent pas toujours de célébrer cette fête.

A la même époque, les Chinois cuisent du riz dans des feuilles de bananier. Ce riz est rouge en dehors ; il est collant et forme une masse qui n’a pas bon goût. Ces espèces de gâteaux ont une forme triangulaire.

Les Chinois font, durant les mois de juillet et d’août, de grandes processions, pour obtenir de la pluie, ou pour demander aux dieux une bonne récolte. Ils vont quelquefois fort loin, et portent de petites chapelles et des banderoles. La musique accompagne toujours ces cortèges qui sont nombreux.

 

Procession en l’honneur des morts

Outre ces processions, dans lesquelles on n’a en vue que les biens de la terre, les Chinois en font d’autres uniquement en l’honneur des morts. Ces processions ont lieu au printemps. La marche est ouverte par un homme portant des papiers dorés, et suivi par des musiciens et par des enfants tenant à la main des figures d’hommes, de chevaux et d’oiseaux en papier. Viennent ensuite des hommes avec des lanternes, des banderoles bleues et blanches, des parasols et des chapelles de papier. Sept à huit bonzes, disant des prières, marchent derrière une petite pagode en bois, et sont accompagnés par plusieurs personnes bien habillées ou vêtues de deuil.

Les Chinois de Macao célèbrent au milieu de la septième lune une autre fête pour les morts ; elle dure deux jours, et finit dans la nuit. Cette fête étant dispendieuse, tous les habitants d’un quartier se rassemblent pour faire les frais nécessaires à l’élévation de la chapelle et au paiement des prêtres et des musiciens. L’édifice est peu de chose ; il est fait de bambous, couvert en nattes et s’enlève après la fête. Trois bonzes officient pendant la cérémonie ; ils sont rasés et appartiennent à la secte de Fo ; ils ont des robes d’étoffes grises, mais quelquefois noires. Le bonze principal porte en outre une écharpe rouge par dessus sa robe.

Ces prêtres sont très recueillis, et frappent de temps en temps sur un bassin de cuivre en faisant des prières. Lorsque le premier des bonzes offre du riz aux dieux, il l’élève plusieurs fois avant de le répandre ; mais lorsque c’est du vin, il y trempe auparavant ses doigts et en asperge la terre devant et à côté de lui. Dans l’après-midi du jour où la fête finit, les prières sont plus longues. Le bonze s’embarque à la nuit dans un bateau ; il fait le tour de la baie, jette des papiers, et lâche dans la mer un crabe, action dont je n’ai pu apprendre la raison : c’est la coutume, m’ont répondu les Chinois, et ils ne m’ont rien dit davantage.

Vers les dix heures du soir on dresse deux tables, dont une est plus élevée que l’autre. On pose sur la première des offrandes consistant en fruits ; on y met en outre deux petits vases et une clochette : sur la seconde table on place un vase et des chandelles parfumées. Le premier bonze avec son écharpe rouge et ayant sur la tête un bonnet découpé, plus élevé du derrière que sur le devant, galonné en or et surmonté d’un gros bouton à quatre faces plates ornées de petits miroirs, se tient assis devant la table, ayant les deux autres bonzes à sa gauche. Après avoir prié pendant quelques moments, il s’attache derrière la tête une bandelette à laquelle pendent deux longs rubans marqués de caractères : ces rubans prennent naissance auprès des oreilles et tombent sur sa poitrine ; il les prend de temps en temps entre ses doigts, les élève à la hauteur de ses yeux, et les laisse retomber après avoir prié.

Vers la fin de la cérémonie, on fait une espèce de cône en terre humide, dans lequel on plante un grand nombre de chandelles parfumées : on brûle ensuite un cheval de papier, et on pratique, à peu de distance de la chapelle, plusieurs sentiers bordés par de petits monticules de sable, sur lesquels on met également des chandelles parfumées. Le bonze se promène dans ces intervalles, et récite des prières. Pendant le temps que dure la fête, les musiciens jouent des instruments et font un bruit extraordinaire, qui ne cesse que le second jour vers les deux heures de la nuit que la cérémonie est achevée et que chacun se retire chez soi.

Les Chinois ont en outre plusieurs fêtes particulières, par exemple, pour célébrer la soixantième et la quatre-vingtième année de leurs parents ; mais ces fêtes n’ont lieu que dans la famille…

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